« Je voudrais savoir quel mal peut faire un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de révolution, ce sont ces petits livres portatifs qui sont à craindre. » Dans une lettre à d’Alembert, de 1766, Voltaire pressentait déjà le danger des écrits dits « pamphlétaires », caractéristiques de la période prérévolutionnaire en France. Produite par des écrivains marginaux, ravalés dans « la bohème littéraire » qu’a étudiée l’historien R. Darnton, cette littérature minait le pouvoir royal et ses élites, désacralisait les symboles et les mythes qui légitimaient l’ordre absolutiste. A la veille de la Révolution, qui lisait les textes pamphlétaires ? Ou plutôt à qui ces ouvrages étaient-ils destinés ? Peut-on saisir l’image textuelle du pamphlétaire, de son lecteur et de ses cibles ? Quelles sont les stratégies discursives mises en œuvre ? A travers un corpus comprenant des libelles et des chroniques scandaleuses, parus entre 1770 et 1784, et choisi parmi les meilleures ventes du livre interdit sous l’Ancien Régime, cette présente étude pluridisciplinaire se propose de suivre dans les méandres du texte les traces visibles ou confuses du Lecteur et de l’Auteur : un Lecteur sans la complicité duquel la sédition distillée par l’Auteur dans son discours risque de rester sans lendemain.