La fabrique patrimoniale urbaine est aujourd’hui de plus en plus conçue et pratiquée comme une co-construction qui réunit des acteurs porteurs de savoirs différents mais complémentaires. Les processus de sélection, conservation et valorisation d’objets désignés comme patrimoines intègrent des formes d’expertises variées et participatives, qu’elles soient initiées par des professionnels, des chercheurs, des institutions ou par d’autres acteurs, issus des sociétés urbaines (habitants, associations, minorités…) : les processus de patrimonialisation intègrent désormais du paradigme participatif dans l’action publique. C’est particulièrement remarquable lorsqu’il s’agit de porter attention aux démarches de patrimonialisation de catégories « invisibles », « sans voix » ou « peu légitimes » dans la ville. Les articles de chercheurs et les témoignages d’acteurs ici réunis enquêtent sur ce qui fait patrimoine pour certains groupes sociaux minoritaires ou marginalisés dans la ville ou pour les habitants d’espaces peu reconnus pour leur qualité patrimoniale (banlieues, friches, prisons, bidonvilles, bassin minier, quartiers d’habitat populaire…). Ces démarches qui tendent à construire du « commun » par le patrimoine reposent souvent sur la mise en place de dispositifs particuliers, de collaborations originales et de médiations innovantes ; elles permettent de réfléchir aux enjeux territoriaux, sociaux et politiques des processus de patrimonialisation urbains. Ces formes de coconstruction s’apparentent-elle à un dépassement de la conflictualité patrimoniale ? Leur étude conduit à se demander si la patrimonialisation peut être un moyen de valoriser des territoires en marge, de créer du lien social, d’intégrer des minorités socialement ou spatialement exclues, de bousculer des hiérarchies établies, voire de (ré)inventer du commun au-delà des fractures et des inégalités.