Parmi les philosophes qui ont défini, au-delà des États nations, l’Europe comme une entité sociale et culturelle, Auguste Comte est l’un de ceux dont la pensée est la plus complexe et la plus puissante. L’Europe n’est pas une entité géographiquement limitée, elle n’a pas d’identité. Elle est un mouvement, un idéal, un cheminement vers cet idéal. De l’Empire romain à Charlemagne, du christianisme médiéval à la révolution scientifique et technique, de l’humanisme moderne (habeas corpus, respect de la libre pensée) jusqu’à la spiritualité future, l’humanité est en marche vers elle-même. À partir de l’Europe, elle devient ce qu’elle est : pacifique, prospère et attachée aux valeurs de respect de la vie spirituelle et physique des personnes. Car pour le philosophe, il existe deux pouvoirs, à la fois complémentaires et antagonistes : le pouvoir temporel – longtemps militaire, plus tard économique et industriel -, le pouvoir spirituel – longtemps religieux, puis intellectuel, scientifique et culturel. L’Europe en paix des chercheurs, des médecins, des ingénieurs et des artistes, l’Universitas européenne, ou la République occidentale selon l’expression de Comte, est un idéal. Cet idéal, l’Europe a pour vocation de le transmettre au monde.